Le marché mondial de la distribution a enregistré un fort coup de semonce. Après avoir pris 18% du capital d'une chaine de supermarchés, Alibaba ouvre un centre commercial de 40 000 m² dans la ville où son siège est implanté : Hangzhou (source : LSA). Le leader du e-commerce chinois qui ne pèse pas moins, à lui seul, de 15 % du retail de l'empire du milieu, lorgne maintenant sur l'autre part du gâteau, les 85 % réalisés sur les circuits physiques. De quoi faire paniquer les acteurs de la distribution traditionnelle et les obliger à se poser (enfin !) les bonnes questions.
En France les ventes Internet représentent encore moins de 10% du C.A. du retail. Autrement dit 90% des ventes en montant sont encore réalisées en magasins. D'après la FEVAD et NIELSEN, la croissance du e-commerce reste et restera soutenue dans les prochaines années. Mais cela ne doit pas pour autant tourner la tête des distributeurs et les détourner des véritables enjeux. Durablement le C.A. réalisé sur le circuit physique restera très supérieur à celui réalisé en ligne.
Pourtant, dans bon nombre d'enseignes on rencontre encore des équipes travaillant verticalement, par canal. On vous y parle de la « stratégie digitale » comme si elle était à dissocier de la stratégie de l'entreprise et qu'elle représentait une fin en soi. Alors qu'il faut mettre le digital au service de sa stratégie et non pas placer le digital au cœur de sa stratégie ! Cela change tout ! On ne devrait donc plus parler de « click and mortar » mais plutôt de « mortar & click », rétablissant ainsi, pour les enseignes disposant d'un réseau de distribution physique, le juste équilibre entre magasins et digital. Cette approche « de bon sens » n'est pas sans générer de forts bouleversements en termes d'organisation et de nature du dispositif digital à déployer.
La première question à se poser concerne la position et les attributions de la personne en charge du digital. Compte tenu de l'impact potentiel des supports digitaux sur le C.A. offline et online de l'enseigne, le CDO doit, comme le plus souvent le CIO, faire partie du Comité de Direction ou assimilé. Comme son homologue informaticien ou comme le Contrôleur de Gestion voire le CFO, il est un des rares postes stratégiques à devoir avoir une vision 360° sur la stratégie et le mode de fonctionnement de l'entreprise. Son rôle, ici encore comme pour le CIO, est d'émettre des propositions afin que le dispositif dont il a la charge participe efficacement à l'optimisation du modèle économique global de l'entreprise, puis d'assurer la mise en œuvre et l'exploitation des moyens digitaux.
La seconde question porte sur l'analyse d'impacts entre digital et processus de l'entreprise. En quoi le digital permet-il ou non d'améliorer chacun d'eux ? À l'inverse, en quoi chaque processus influe-t-il sur l'efficience digitale ? Les réponses à la première partie de la question permettront d'enrichir un dispositif servant réellement les intérêts de l'entreprise. Celles à la seconde permettront d'optimiser l'efficience du dispositif digital lui-même.
Dès lors se pose la troisième question. En quoi le digital implique-t-il de faire évoluer les outils de mesure de l'efficacité au sein de l'organisation ? Efficacité de chaque service ou direction. Efficacité individuelle aussi, et peut-être surtout. Le CDO ne peut-il être jugé que sur les performances intrinsèques au dispositif digital ou faudrait-il considérer son influence sur le modèle global ? Comment faut-il prendre en considération l'influence du réseau physique sur la performance du digital et au travers de quels indicateurs ?
C'est ensuite, et ensuite seulement, que l'on peut imaginer (re)concevoir ou faire évoluer son dispositif digital et planifier les projets qui permettront d'y parvenir. On met ainsi en lumière beaucoup d'effets « gadgets », on tord le cou à beaucoup de fausses bonnes idées et on s'évite des investissements inutiles ... La démarche initialisée au travers de la recherche des réponses aux trois premières questions permet d'optimiser les moyens à mettre en œuvre, leur priorisation et leur efficience.
Peut-être est-ce cela la démarche de transformation digitale des enseignes de distribution...
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