VAD : chronique d’une mort annoncée ?

VAD : chronique d’une mort annoncée ?

Lorsqu’Internet débarque en France dans les années 90, le potentiel de vente estimé via ce nouveau canal apparaît immédiatement comme gigantesque. On va même jusqu’à prédire la fin de la distribution traditionnelle, sacrifiée sur l’autel de l’e-commerce.  On estime à l’époque, à raison, que les VADistes tels que La Redoute ou 3 Suisses sont les mieux armés pour s’accaparer rapidement la plus grande part du gâteau. Mais c’était sans compter sur leur incapacité à assumer leur mue…

Après un long passage chez (ex-)PPR et de nombreux projets menés pour différentes Enseignes de VAD, je souris en entendant les reproches proférés à l’encontre de leurs Dirigeants, encore récemment par certains Politiques. A les écouter, le seul problème serait un sous-investissement chronique, notamment dans leur Système d’Information. C’est oublier que dans « VAD » il faut lire « Commerce » avant « Informatique ».

En fait, que s’est-il réellement passé ?

Depuis la première moitié du 20ème siècle, les entreprises de Vente Par Correspondance ont inventé puis optimisé un modèle de distribution construit autour de quatre principes fondamentaux :

·       Une offre Produits constituée sur un rythme semestriel,

·       Un catalogue lui aussi semestriel (le « big book »), complété par quelques catalogues événementiels ou à vocation marketing (acquisition de nouveaux clients par exemple),

·       Une organisation logistique optimisée pour délivrer les produits à domicile ou équivalent en 48h voire 24h,

·       Des techniques de marketing direct afin d’assurer l’acquisition mais surtout la fidélisation des Clients.

Leur Système d’Information a été pensé pour accompagner l’organisation qui découlait de ces 4 piliers.

Ces Enseignes ont considéré à juste titre que l’arrivée d’Internet constituait une nouvelle opportunité de développement. Mais elles ont commis l’erreur « fatale » d’y reconduire leur modèle originel, sans y apporter les adaptations essentielles.

La fin des généralistes

Les grandes Enseignes de VAD se sont positionnées en qualité de « généralistes ». Il était pertinent à l’époque de proposer à distance une gamme extrêmement large et relativement profonde. La pertinence reposait sur le fait de rendre accessible au plus grand nombre une offre particulièrement riche, notamment en régions où les réseaux de distribution physique n’étaient pas encore bien implantés. Le développement des réseaux de Grande Distribution sur le territoire national entre les années 70 et 90 a commencé à amoindrir la valeur de l’offre proposée par correspondance perçue par le consommateur.

Internet a aggravé la situation. Il a permis de rendre accessible à tous une offre pléthorique, portée par un grand nombre de VADistes mais également par des réseaux de magasins, fraichement organisés pour, eux aussi, servir maintenant leur client à distance. Aujourd’hui encore, leurs offres sont majoritairement élaborées sur la base de leurs anciens principes, alors que le positionnement de « généraliste » a perdu beaucoup de son sens, à moins de le pousser à l’extrême. Ainsi, qui sont aujourd’hui les véritables généralistes ? Le premier est Google qui au travers de son moteur de recherche qui indexe l’ensemble des offres disponibles sur la Toile distribue le trafic à des millions d’Enseignes. Le second est bien évidemment Amazon dont la largeur et la profondeur des offres ont atteint, grâce au modèle de « place de marché », une telle taille critique qu’il devient difficile d’imaginer les concurrencer un jour.

Le raccourcissement des cycles

Plus grave encore, Internet a imposé de facto des cycles beaucoup plus courts. L’actualisation des offres est ainsi devenue un des nerfs de la guerre. Or les VADistes ont pour la plupart conservé leur circuits d’approvisionnement d’avant l’ère digitale. Ils commandent encore le plus souvent leurs produits comme ils le faisaient pour leur catalogue semestriel : grand import, engagements en début de saison, réapprovisionnements limités voire impossibles, … Ils auraient dû adopter la « Zara attitude » et développer un modèle où les cycles d’élaboration des collections et d’approvisionnement et le merchandising sont optimisés afin de présenter à tout moment le bon produit à ses clientes.

De nouveaux moyens de création de trafic

Oubliant qu’ils ont pour ainsi dire inventer le marketing direct, les VADistes se sont également mis à singer les nouveaux entrants de la VAD : les « pure players ». Se basant sur les techniques du référencement naturel (SEO) et sur l’achat de mots clés aux enchères sur les moteurs de recherche (SEM), ils ont basé la majeure partie de leur trafic sur la source où la concurrence est la plus rude. En pareille circonstance mieux vaut proposer une offre particulièrement différenciée et actualisée ! Comme vu précédemment, ce n’est pas le cas… Il est bien entendu incontournable d’être présent en bonne place sur Google. Mais les VADistes auraient dû capitaliser sur leur savoir-faire unique en matière de marketing direct. D’autant plus qu’il s’agit d’une technique d’acquisition et de fidélisation encore assez mal maîtrisée par les nouveaux entrants. Il fallait associer utilement les nouvelles techniques « PULL » aux ancestrales techniques « PUSH ».

Un marketing direct plus sophistiqué

Mais sur ce point aussi, leur modèle se doit d’évoluer. Le rythme de leurs programmes relationnels était hier dépendant des contraintes inhérentes à la voie postale. L’e-mailing les oblige à travailler sur de nouveaux cycles qui conduisent à augmenter la fréquence de prise de contact. Alors ils se sont mis à spammer leurs clientes, eux-aussi ! Ils ont amoindri la puissance de leur marketing direct habituellement basé sur une segmentation RFM de leur base (Récence, Fréquence, Montant) par des opérations d’envois massifs d’e-mails non ciblés. Ils doivent abandonner ces techniques de spamming au profit de nouveaux programmes relationnels, toujours basés sur la segmentation traditionnelle, mais complétée de caractéristiques sociodémographiques et comportementales de leurs Clients.

Alors, quel avenir pour la VAD ?

La VAD ne doit surtout plus se tromper de combat si elle veut assurer sa survie. La concurrence est de plus en plus rude. En pareil cas il faut toujours se reposer les bonnes questions :

·       Quel doit être mon nouveau positionnement d’Enseigne face à ce paysage?

·       Quels assortiments dois-je présenter pour alimenter ce positionnement ?

·       Où, quand et comment dois-je dorénavant m’approvisionner ?

·       Comment tirer parti des nouvelles techniques de communication pour optimiser encore le montant moyen dépensé par une cliente au sein de mon Enseigne ?

·       Comment faire évoluer efficacement mon marketing direct en allant vers toujours plus de ciblage ?

Les VADistes traditionnels avaient décidément les meilleurs atouts pour prendre place sur l’e-commerce. Mais ils n’ont pas su capitaliser sur leurs savoir-faire. Est-il trop tard ?  Peut-être pas, mais à condition que chaque Enseigne dispose (enfin) d’une vision réellement stratégique de son métier dans ce contexte numérique et surtout retravaille son positionnement. Il sera toujours temps d’adapter organisation et outils à partir de là. Mais leur situation financière et / ou leurs repreneurs leurs en laisseront-ils le temps ? Là est pour l’heure la véritable question…

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